martedì 1 febbraio 2022

Vaticano
Le pape reprend en main l’ordre de Malte

(Jean-Marie Guénois, Le Figaro)
Il aura fallu moins de 24 heures pour que l’ordre de Malte replonge dans la crise. Vendredi, un accord de principe semblait avoir été trouvé entre le Saint-Siège, représenté par le cardinal Tomasi, et les dirigeants de cette œuvre religieuse et humanitaire millénaire quant aux grandes lignes d’une réforme en cours et pour que soit préservé son statut de «souveraineté» internationale. Sauf qu’un coup de théâtre est intervenu, samedi, aux premières heures.
Ce jour-là, le pape François a reçu, en audience privée, le même cardinal Silvano Tomasi - à qui il a donné en 2021 tous les pouvoirs pour réformer l’ordre de Malte - et le jésuite Gianfranco Ghirlanda, l’un des plus grands experts du droit canonique. Lors de cette rencontre, le pape a décidé de reprendre lui-même les choses en main, de remettre en question l’accord annoncé la veille, d’imposer la suspension de toute activité afférant à cette réforme jusqu’à ce qu’il tranche lui-même, en menaçant ceux qui refuseraient de lui obéir.
Un courrier, signé par le cardinal Tomasi à la suite du rendez-vous papal et adressé, dimanche, à plusieurs hauts responsables de l’ordre de Malte - dont le Figaro a pu se procurer une copie et en vérifier l’authenticité -, voit ce cardinal italien demander, au nom du pape, de geler toute initiative et activité jusqu’à ce que François reçoive personnellement une délégation de cette institution pour «prendre lui-même une décision définitive» sur la base d’un «projet concret de réforme» qui devra lui être présenté.
Passage en force
Par conséquent, poursuit le cardinal Tomasi dans cette lettre, la réunion d’un groupe de travail mixte qui devait poursuivre ses discussions sur la réforme de l’ordre de Malte, les 22 et 23 février à Rome, est «suspendue». Tout comme celle d’un «comité de pilotage», plus technique.
Sont aussi «suspendues toutes les autres activités», annonce encore le cardinal, jusqu’à ce que le pape François décide personnellement de l’avenir de l’ordre de Malte.
Pour bien se faire obéir, le délégué du pape François, qui s’adresse à des responsables religieux mais aussi aux laïcs engagés, recourt à cette menace: «toute autre activité» en vue de la réforme de l’ordre «sera considérée comme un acte de désobéissance au Saint-Père».
L’obéissance est, de fait, l’un des trois vœux que formulent les religieux de cette institution comme tous les clercs, mais aussi une pratique pour des laïcs impliqués à haut niveau dans des instances de l’Église catholique.
François avait usé de la même autorité lors d’une précédente crise, en janvier 2017, pour contraindre personnellement le grand maître de l’ordre de Malte, Matthew Festing - selon ce que ce dernier avait ensuite confié à ses proches - à la démission. Le pape l’avait ensuite acceptée officiellement comme si elle avait été donnée librement. Pour bien signifier la prise en main du dossier de la réforme de l’ordre de Malte par le pape lui-même, le cardinal Tomasi termine son courrier par cette phrase: «Tous ensemble, avec l’aide de Dieu et l’intervention directe du Saint-Père, nous trouverons la voie juste pour accomplir la réforme de notre ordre aimé».
Une réforme souhaitée depuis plus de cinq ans
Cela fait maintenant plus de cinq ans que François veut la réforme de l’ordre de Malte, sans y parvenir. Il a d’abord nommé le cardinal Becciu, puis le cardinal Tomasi. En installant ce dernier, le 25 octobre 2021, délégué spécial pour l’ordre de Malte, François avait déjà prévu ce passage en force, puisqu’il donnait tous les pouvoirs à Tomasi, en l’autorisant «à déroger, si nécessaire, à la charte constitutionnelle et au code de l’ordre de Malte en vigueur».
Beaucoup dans l’ordre de Malte se disent «choqués» par des méthodes de gouvernement aussi autoritaires, même si d’autres, favorables à une réforme drastique, se voient rassurés.
Pour l’heure, le chef de l’exécutif de l’ordre de Malte, Albrecht Freiherr von Boeselager, grand chancelier, a pris acte, par courrier interne daté de lundi, de la décision de François, lui exprimant sa «reconnaissance» et lui promettant «fidélité» au nom de l’ordre.
La nature de l’ordre en question
Boeselager annonce aussi préparer cette rencontre voulue par le pape en rappelant que le cardinal Tomasi a donné la semaine dernière «l’assurance que la souveraineté de l’ordre serait préservée dans la nouvelle Constitution et dans ses relations avec le Saint-Siège».
C’est un des points de litige entre le Vatican et l’ordre de Malte. Mais la vraie question de la réforme, selon des avis pourtant opposés, touche la nature de l’ordre: est-il un ordre de frères religieux hospitaliers, donc soumis au Saint-Siège en tant que «religieux», déployant notamment une activité d’ONG humanitaire et médicale? Ce qui a la préférence du pape. Ou une organisation médicale et humanitaire, fondée et nourrie par la noble histoire de ces chevaliers religieux mais non plus structurée en tant qu’ordre religieux, et donc en partie autonome du Saint-Siège?